Toujours bien occupé à écumer les stands de bouffe aux abords des stades pour son projet Buvettes, le copain Guillaume Blot est parti cet été à la recherche de terrains champêtres, éparpillés au bord de routes départementales en France, Suisse, Italie et Allemagne. Il nous a ramené six clichés, chacun évocateur d’un football où le faux rebond est roi. D’un football où l’on croise davantage de défonceurs centraux que de numéros 6 à la Pirlo. Et d’un football où les joueurs ne subissent pas la pression. Ils la boivent.
Jeremie : Salut cher Guillaume. Raconte-nous, où as-tu déniché ces merveilles et quel était le but de ton voyage ?
Guillaume : Tout est né d’un accouplement avec un van de type Volskwagen T3 baptisé Blotmobile, qui a donné la naissance à un projet de Blotmobile Tour, me menant de Berlin à Brest, en passant par Bordeaux, Moulins, Annecy et Sienne. Soit 8000 km avalés en 36 jours entre juillet et août 2018, avec l’idée de vivre des expériences comme me rendre à un festival allemand annulé au dernier moment, ou faire mes courses nu dans un Spar de Gironde. Et forcément, sur la route, on ne rencontre pas que des auto-stoppeurs à bouc et sac à dos Lafuma : on croise aussi de super terrains de foot, autant de petits clubs que de lotissement.
Comment tu t’y es pris ? Tu es passé devant les terrains par hasard ou tu les repérais en amont ?
C’est Google Maps qui a choisi par où passer. Il avait carte blanche. Je lui ai juste demandé d’éviter les autoroutes. Ça a été un bon guide. J’ai découvert Beaumont-en-Verdunois, La Groutte ou encore Ospedaletto. Et quand je passais devant un stade, je jaugeais sa qualité graphique en un coup d’oeil : état des buts, de la pelouse, fond, tribunes, revêtement. Alors je prenais la décision ou non de m’arrêter. Il m’est arrivé de faire demi-tour parfois 4-5 minutes après avoir vu le stade, faute d’endroit pour tourner. Ou alors quand l’amour du but rouillé l’emportait finalement sur la flemme. Il m’est aussi arrivé de ne pas trouver l’entrée du stade. Ou de sauter par dessus une barrière de 2m20, comme à Salita en Italie.
Les terrains que tu as photographié en Italie ont l’air particulièrement délabrés. C’est l’effet Coupe du Monde ?
Je crois qu’on tient là la vraie raison du fiasco italien : un manque d’investissement criant dans les plaines de jeux des lotissements transalpins. On retrouve aujourd’hui chez eux des cages sans filets, ou sans protection derrière les buts. De facto, les gamins perdent un nombre incalculables de ballons GOAL Made In Italy, doivent en racheter, mettent toutes leurs économies dedans, et se détournent finalement du foot à 16 ans quand il faut choisir entre jouer les Totti sur gazon ou les Casanova de la Vespa.
Qu’est-ce-que ça représente pour toi le football campagne ?
C’est une conception du foot qui a largué le H de Champagne pour le carrer dans les fesses de tous ceux qui privilégient l’apparat à l’authenticité. C’est le stade qui porte le nom du buteur local parti trop tôt, le club-house qui a « uvette » au lieu de Buvette peint sur son mur, faute de peinture fraiche, la pelouse qui n’est pas niquel-niquel, les lignes blanches pas tout à fait droites, ces joueurs qui portent des chaussettes de couleur différente en match. C’est du romantisme sur gazon.
On a entendu dire que tu travaillais sur quelques projets sympa en ce moment, tu peux nous en dire plus ?
Je pourrais prendre une mi-temps entière pour parler de mon projet Buvettes (buvettes.com / @buvettes / Page FB) sur les buvettes de stade, et en particulier de foot. Là je viens de finir d’exposer à la Mécanique Ondulatoire à Paris. J’ai en tête un documentaire vidéo sur ces food-trucks à l’ancienne, un article sur l’une des grillades du PSG et une parution imminente dans un magazine de bouffe anglais.
Quel est le terrain le plus pourri sur lequel tu aies jamais joué ?
J’ai beaucoup d’affection pour un terrain que j’ai adoré détester : le stabil de mon club de coeur l’US Thouaré. J’y ai perdu quelques duels à cause de rebonds chelous mais ai surtout gagné pas mal de pizza aux genoux. Un peu le terrain obligatoire en hiver, mais que tu redoutes affiché sur la feuille de match au Printemps à cause d’un week-end bien pluvieux. C’était en -10 avant Jésus Synthétique.
Si après ça vous préférez toujours partir en vacances en Croatie avec vos gars sûrs, plutôt que de grimper dans votre bagnole et conduire le plus loin possible vers des pays étrangers pour aller prendre en photo et pisser sur tous les terrains que vous croisez, on est désolé mais on ne peut plus rien faire pour vous.
On remercie chaleureusement Guillaume pour ces superbes photos, et on vous revoit bientôt sur Football Campagne.
Amitiés sportives.