Fin 2015, à Hackney Central, Bobby Kasanga est à la sortie du supermarché Tesco avec son seau à demander quelques donations aux habitants du quartier qui font leurs courses. C’est là que nous l’avons rencontré alors que nous venions juste d’emménager dans le quartier. Notre aventure commençait et celle du Hackney Wick FC aussi. Sorti de prison quelques mois plus tôt après avoir été membre d’un gang, Bobby avait eu tout le temps pour penser à son futur derrière les barreaux mais aussi à celui de son quartier. Son premier but était simple, comme il nous l’avait expliqué ce jour-là : ramener le football à Hackney le samedi après-midi. Mais pas n’importe comment.
‘Think Outside the Blox’
Hackney ne manque pas vraiment de football durant le week-end. Hackney Marshes et ses 71 terrains sont remplis tout le weekend et notamment le dimanche matin avec la Sunday League. On y trouve même de la Premier League depuis l’arrivée de West Ham au London Stadium en 2016, même si techniquement le stade se trouve dans le borough de Newham. Dans ce contexte l’idée de Bobby Kasanga est de faire du Hackney Wick FC un élément à part entière de la communauté locale et pas seulement en revendiquant l’identité du quartier. Son idée est simple : tous les joueurs du club doivent se porter volontaire pour aider la communauté à travers des actions diverses comme planter des arbres dans un parc ou aider à entretenir un cimetière.
Avec cette idée Bobby Kasanga, veut aussi éviter que les jeunes du quartier reproduisent son parcours. Il avoue dans plusieurs interviews avoir rêvé de football professionnel sans vraiment penser à une alternative. Lorsqu’il comprend que ce ne serait pas son avenir, il se tourne alors vers les gangs. En donnant très tôt l’opportunité aux joueurs de son club de voir autre chose que le football, le Hackney Wick FC offre une vue qui va au-delà des limites de ce Borough. Une initiative que Bobby Kasanga a nommé « Think Outside The Blox » (« Pense au-delà des tours »).
Une collaboration entre Nike et les jeunes d’Hackney
C’est exactement cette réflexion qui a animé la création des maillots du clubs au printemps 2019. Ceux-ci ont été dessinés par les jeunes du club dont l’un d’eux à ensuite réussi à décrocher un stage dans une enseigne de vente d’articles de sport. Avec ces maillots le club a passé un cap en terme de reconnaissance au-delà du quartier en se vendant notamment en ligne sur le site de Nike. La marque au swoosh était très impliquée dans ce projet puisque Peter Hoppins qui avait dessiné les maillots du Nigéria pour la Coupe du Monde 2018 avait pour tâche de reproduire les dessins des jeunes du club sur maillots. Ces tuniques 100% Hackney sont aussi un moyen d’unifier un quartier cosmopolite avec une population historique qui cohabitent avec une population récente et internationale venue à Londres notamment pour des opportunités professionnelles.
C’est ce sentiment qui nous a donné envie de raconter cette histoire au travers de ce texte et de ces photos. Arrivés à Londres fin 2015 et très vite ancrés à Hackney, nous avons vu le Hackney Wick FC se développer à mesure que nous faisions de ce quartier notre maison. Ce maillot sur les épaules, c’est un sentiment d’appartenance pour cet endroit qui se renforce pour les pièces rapportées que nous sommes. Que ce soit à Mabley Green, où le club s’entraine, au pied de cette tour de Clapton Park Estate qui domine nos runs et nos balades sur Hackney Marshes ou à Chatsworth Road, tous ces endroits sont vitaux dans notre version d’Hackney.
Cinq ans après les collectes dans les magasins, les Wickers ce sont 20 équipes dont une équipe première au 10ème échelon national. La plupart sont basées à Mabley Green mais le club cherche toujours un terrain aux normes pour son équipe première. Aujourd’hui les hommes du président Kasanga doivent monter dans le Nord de Londres non loin du nouveau stade de Tottenham pour leurs matchs. Le but avoué du fondateur du club est d’avoir un stade dans son quartier. Un point de rassemblement, comme un aboutissement à sa vision de redonner ses lettres de noblesse footballistiques à ce quartier unique.
Texte: Adrien Picard
Photos: Jeremie Roturier
Modèle: Ornella Kolle