Fraîchement couronné Champion de la 3è Division de la Hackney & Leyton Football League, le célèbre club Boundary Estate FC a (un peu trop) célébré sa deuxième promotion en trois saisons. C’est que la route vers les sommets n’a pas toujours été clairement tracée pour le Boundary, souvent qualifiée de “pire équipe de la Sunday League” par ses adversaires dépités et impuissants. Fondé en 2007, nommé après un Council Estate – l’équivalent anglais de nos superbes HLM – situé dans le quartier de Shoreditch dans l’Est de Londres, le club était jusqu’alors plus réputé pour l’intensité des sessions au pub tous les Dimanche après les matchs que pour ses exploits sur le terrain. Une équipe qui ne gagnait jamais rien, qui perdait son argent dans des litres de bière. Mais à force de cohésion collective, de recrutement intelligent et de détermination, le Boundary a provoqué son destin. À travers ce reportage au coeur du groupe lors des quatre dernières saisons, nous retraçons les moments marquants des bas-fonds de la Sunday League d’Hackney Marshes jusqu’aux jours glorieux de Promotion. Comment une équipe très middle-class est parvenue à déjouer les prédictions de tous les bookmakers tout en gardant sa plus mauvaise habitude : se dépêcher d’aller au pub après le match sans même prendre de douche pour pouvoir boire tout le Dimanche après-midi.
Saison 2015 – 2016
Se prendre la tête à demain
En 2015, Boundary Estate FC c’est encore du bricolage. Un effectif décimé, les contours du succès à dessiner pour l’année prochaine. Une saison quelconque en 4è division, faite de défaites, de matchs nuls bien nuls, et de quelques victoires pour faire la fête. Le ventre mou du classement et des pintes de bière sifflées après la fin des matchs au pub local, le Adam and Eve.
Les mots du coach :
Hautes ambitions, faible implication
“Nous avions de fortes ambitions en démarrant la saison 2016-2016 : un nouveau championnat et des joueurs d’expérience prêts à lutter pour le haut du tableau. En plus, nous étions contents que la Ligue Hackney & Leyton ne nous inflige pas 5£ d’amende pour nous pénaliser du fait que nos shorts et chaussettes soient dépareillés. Au final, nous étions plutôt soulagés de finir confortablement dans le ventre-mou, bien qu’il faille reconnaître que nous ne risquions pas grand chose car il n’y avait pas de division inférieure. Mais surtout, nous étions tout simplement comblés si 11 joueurs se pointaient pour le match les Dimanche matin. En effet, en moyenne nous avons eu 10,4 joueurs par match cette saison là.”
Saison 2016 – 2017
À vaincre sans baril on triomphe sans boire
La première promotion de l’histoire du club. Une saison menée à sa main et marquée par un duel sanglant avec les ennemis d’Eastside. Un mano à mano d’anthologie, qui verra les mauvais joueurs d’Eastside en venir aux mains. Boundary Estate FC ne partage pas grand chose avec cette équipe si ce n’est la première place du classement à la fin de la saison. Le titre se jouera lors d’un match de play-off, une vraie finale, qui verra Boundary s’écrouler et s’incliner sur le score lourd de 4-1 après avoir mené au score.
Les mots du coach :
L’année de la montée
“Pendant l’été 2016, une bonne partie des vétérans du club se sont retirés. Blessures, copines envahissantes, tout ça mêlé à une certaine lassitude chez les joueurs qui étaient au club depuis sa création en 2007. Mais finalement la balance des transferts s’est avérée positive puisque l’équipe a décroché la toute première promotion de l’histoire du club. Le retour de la superstar brésilienne, Marcio, s’est avérée être un véritable coup de maître le dernier jour d’ouverture du marché des transferts puisque l’avant-centre a marqué 35 goals en 21 rencontres cette saison. Ce fut aussi la saison où la pratique actuelle de passer beaucoup trop de temps au pub les Dimanche après-midi est née, ainsi que la célèbre chanson “Adam & Eve, top of the league”. Je suis resté néanmoins sur un goût d’inachevé à cause du titre perdu lors d’un match de play-off alors que nous aurions dû être sacrés à la différence de buts.”
Saison 2017 – 2018
Passes à dix
Un maintien aisément acquis, des ambitions d’accrocher le podium qui naquirent à la mi-saison avant de doucement lâcher prise et finir la saison péniblement. Plusieurs rencontres jouées à dix qui useront le moral des troupes plus que les filets adverses. Une saison de transition, qui conduira Boundary Estate sur la voie du succès pour l’année suivante.
Les mots du coach :
La renaissance de Boundary
“Notre objectif pour la saison 2017 – 2018 était clair : se maintenir et remporter une des 4 (QUATRE) Coupes auxquelles nous participions. Force est de reconnaître que 50% de nos objectifs ont été atteint, en évitant la relégation. La relégation nous l’avons d’ailleurs évité bien confortablement. Je veux dire, que quand on ne gagne un seul des six derniers matchs sans être vraiment menacé, ça veut peut être aussi dire que nous aurions pu viser plus haut. Le gros point positif de cette saison a cependant été la signature de notre jeune buteur Callum Drage et de son alter-ego défensif Stuart ‘Myra’ Hindley (on vous invite à taper Myra Hindley dans Google…). Pas forcément parce-que ces joueurs ont un talent spécial, mais plutôt parce-que leur intégration dans l’effectif a ouvert la porte à la venue de bien d’autres jeunes talents (y compris le petit frère de Callum, qui est un bien meilleur joueur). Il faut aussi reconnaître qu’il y a eu une bien meilleure implication générale, étant donné que nous sommes presque parvenus à rassembler 11 joueurs pour la plupart des matchs. En ce qui concerne les Coupe, disons que ce n’est pas vraiment la peine de parler de notre parcours.”
Saison 2018 – 2019
La coupe découpe
De 9 à 21 joueurs dans l’équipe en quatre ans. Du ventre-mou de la quatrième Division au titre de Champion. Après des années à batailler, la pire équipe d’Hackney Marshes a fini par lever le trophée sans en avoir jamais trop fait. Une saison qui se déroule à la quasi perfection, avec une concurrence saine et malsaine, déloyale sur le terrain mais loyale au pub, au sein même de l’équipe. Pour gagner des titres il ne faut pas faire de compromis, il faut faire des choix difficiles, quitte à heurter certaines sensibilités. Stefan, coach historique de l’équipe qui a beaucoup de mérite, ne le sait que trop bien. Lui qui a dû gérer des chèvres pendant bien des saisons avant de pouvoir enfin gérer un véritable groupe, reconnaît malicieusement qu’encore plus que de lever le Bouclier, sa plus grande fierté est d’avoir démarré le dernier match de l’année avec quatre remplaçants et quatre joueurs qui n’ont pu être inscrits sur la feuille de match. Il faut dire que pour ce dénouement digne des plus grandes saisons de Premier League, tout le monde avait le couteau entre les dents. L’équation était simple. Un nul donnait le titre au Boundary. Une défaite l’offrait sur un plateau à Hackney Way, la seule équipe qui toute la saison a pu prétendre les contrarier dans leur quête du titre. Une défaite lors du match aller, une élimination en Coupe, l’équipe qui joue avec les tenues complètes de l’Equipe de France pendant l’Euro 2016 (alors qu’aucun de leur joueur ne parle français) faisaient office d’épouvantables épouvantables. Après 5min de jeu Hackney Way transforme un penalty offert par l’arbitre. Boundary égalise puis prend l’avantage avant la mi-temps. En deuxième période, Hackney Way pousse et score un deuxième but avant de prendre les devants. Un monde qui s’écroule. Mais déterminés au milieu des terrains minés, les joueurs aux maillots de River Plate envoient une nouvelle fois le ballon au fond des filets pour pouvoir enfin exulter. La rencontre finit sur le score de 3-3 et envoie le Boundary Estate FC fêter le premier titre de Champion de son histoire au Adam and Eve, comme tous les Dimanche. Mais pour une fois, ce n’est pas de son plein gré que l’équipe quittera l’établissement dans lequel elle a bu son salaire pendant des années et des années de disette. Foutue dehors parce-qu’elle a trop célébré le titre. Un rêve anéanti.
Les mots du coach :
La pire équipe d’Hackney Marshes
“En 2018-2019 nous avons remporté le titre de Champion de la 3è Division de la Ligue Hackney and Leyton. Sans discussion possible le moment dont je suis le plus fier dans ma glorieuse carrière footballistique longue de 24 ans. Le Boundary que je connaissais et que j’aimais tant a été remplacé par cette équipe de trous du cul, qui s’arrache en défense et gagne sans faire attention à la manière. C’était le rêve absolu. Nous sommes parvenus à soulever le trophée sans réussir à battre une équipe beaucoup plus jeune et talentueuse que la nôtre. Et même quand nous battions sans aucune difficulté les équipes de notre Division, elles se plaignaient à la fin du match en disant que nous étions « la pire équipe à jouer à Hackney Marshes”. Le joueur de la saison a été Jack Bullock. En 26 matchs, il a inscrit 12 buts et délivré 22 passes décisives. Mais tout le groupe a été immense. Avec une moyenne de 11 joueurs sur le terrain pendant la saison, une première dans l’histoire du club, nous avons même un groupe de 21 joueurs pour le match du titre. Le but égalisateur inscrit par Tom Braybrooke à la 79è minute nous a offert le point dont nous avions besoin, et lui a permis d’être sacré meilleur buteur de l’équipe. Est-ce-que j’ai déjà été plus fier que ça dans ma vie ? Certainement pas.”
Photos par Jérémie Roturier qui s’est fracturé une cheville, cassé le nez et fait une entorse de l’autre cheville en jouant avec cette équipe.