Fils de but. Nouvel épisode. Après la Haute-Savoie, on continue notre tour de France à la recherche des plus beaux terrains de foot. On laisse tomber les billards et lignes bien tracées. Les stades qui nous intéressent ce sont ceux que tout le monde a délaissé. Oubliés par les subventions. Piétinés par les crampons. Défoncés par le temps. Tous ceux où les buts sont enfilés sans filets. C’est en Corse, terre de foot comme il en existe peu d’autres, que l’on pose nos valises et notre objectif. On fait le déplacement à plusieurs reprises entre Mai et Septembre pour explorer la région de la Balagne et découvrir ses plus belles pépites. C’est parti pour une bonne séance de Corse à pied.
Pietralba
Le stade de Pietralba c’est une bouteille de Pietra que boit Jessica Alba. Les chardons qui picotent les chaussettes comme les bulles de la fameuse bière à la châtaigne sur les poils de moustache. Le gazon tondu à ras tout humide et les jolis faux rebonds comme le bas-ventre et la poitrine de la douce actrice Américaine. Un cratère creusé dans la falaise, au pied du village taillé à flanc de montagne. Ce qui est fou, c’est que quand on y réfléchit, un match à 11 contre 11 à Pietralba mobiliserait 5% de la population locale. Avec 467 habitants, la commune n’est en effet pas très grande. Mais la passion l’est.
Santa Reparata
Souvenirs poussiéreux d’un tournoi de Sixte sur un terrain stabilisé bien graveleux. Une équipe de jeunes qui tirait son épingle du jeu contre toutes celles de jeunes plus vieux et de vieux moins jeunes. Des gestes peu académiques, des paires de claques pendant les matchs. Des Liptonic, des Cacolac entre les matchs. Comme nous, le stade a pas mal changé. Lui aussi à progressé dans le jeu. Il a grandi jusqu’à devenir un homme. Un bel homme. Bien posé au milieu des montagnes. Fier avec sa belle pelouse synthétique. Pas un poil qui ne dépasse. Comme aiment le répéter les entraîneurs, sur tu rates un contrôle sur un terrain pareil, c’est vraiment que tu es mauvais. Certains diront de lui qu’il a perdu son charme d’antan, mais le stade Antoine Savelli, lui sait d’où il vient. Il sait qu’il faut savoir vivre avec son temps. Et garder les yeux qui brillent en se remémorant les belles imperfections d’avant.
Speleoncato
Le terrain de Speleoncato, c’est comme le bon trou lors de son premier rapport sexuel. Il faut le trouver et ce n’est pas si facile. L’erreur est de penser qu’il se situe dans le coeur du village, au sommet de la montagne. Il s’agit en fait de redescendre, et de garder l’oeil bien ouvert dans les lacets. Impossible de voir le stade depuis la route, c’est un panneau délabré qui indique un sentier caché dans la forêt. On s’y enfonce sans forcer. Et c’est là qu’on découvre le fruit défendu. Une vraie pépite. Un terrain comme on en a rêvé. Perdu au milieu des arbres, des buts rouillés comme Olivier, une pelouse égarée qui évoque un lustre passé. Celui où Speleoncato avait une équipe qui jouait dans les championnats locaux. Et recevait à domicile sur le plus beau stade du monde.
Ponte Leccia
Aujourd’hui c’est sur une pelouse synthétique tout à fait praticable que le football se joue à Ponte Leccia. Autrefois c’était sur un stabilisé situé le long de la route qui mène au pied du Monte Cintu. Ou peut être que, comme le laissent deviner les quelques mottes d’herbe, il s’agissait en fait d’une pelouse pelée par les coûts de soleil qui rendent une irrigation régulière impossible. Sur ce rectangle jaune, on s’imagine dribbler les adversaires et les faux rebonds, tirer le coup-franc et la plus jolie des supportrices, faire trembler les filets et les gradins. Qui eux, n’existent pas.
Monticello
Sur les hauteurs de l’Île Rousse est juchée l’une des plus vertes pelouses de l’Île de Beauté. Elle surplombe la baie, et a accueilli grand nombre de rencontres de CFA. C’est que le Football Balagne Île-Rousse en a vu passer des joueurs de talent. On se souvient d’une rencontre contre l’équipe B de l’OM lors de l’été 2003 où deux joueurs Olympiens s’étaient particulièrement mis en avant. Dans les buts, un certain Cédric Carasso, qui répondait en rigolant aux supporters locaux qui ont passé toute la première mi-temps à l’insulter. Et sur le terrain il y a un minot à qui le ballon collait aux pieds. Frêle, pâle, mais putain de talentueux. Tout passait par lui. Il organisait le jeu, il cassait les reins des défenseurs avec une habile technique de dribble. Des gestes soyeux, précis. Ce petit c’était Samir Nasri. Et les anciens l’ont vite compris qu’il avait un gros quelque chose en plus. « Oh Doumé, dis-moi c’est qui ce gringalet là ? Qu’est-ce-qu’il est fort ! J’ai rarement vu ça. »
Bodri
Sur le chemin de la plage de Bodri, située sur le territoire de la commune de Corbara, on trouve ce stade plutôt étrange. Coincé entre le camping, la voie ferrée et la plage, il n’est orné que d’une seule cage. Un terrain pour travailler l’attaque-défense, ou se faire des frappes, mais pas grand chose d’autre. Lui aussi a certainement connu des jours meilleurs, où les mauvaises herbes laissaient au moins un ballon à rouler sur la pelouse, ou le champ devrait-on dire. Peut-être même qu’il fut un temps où des filets arrêtaient les frappes cadrées. Pour avoir le temps de contempler ce stade, deux solutions. Planter sa tente au camping, et s’arrêter sur le chemin qui mène à la plage. Ou monter dans le train pour faire la section Calvi Île-Rousse et laisser ses rêves d’enfant s’échapper en regardant par la fenêtre.
Calacuccia
Bienvenue à Calacuccia. Il y a du soleil mais pas de nanas. À la place, ce sont des vaches qui ont élu domicile sur le terrain pittoresque, surplombé par l’impressionnant Monte Cintu, point culminant de la Corse. Plus grand chose ne s’y passe sur cet ancien stade international, si ce n’est les clients du restaurant d’à côté qui confondent la pelouse avec un parking. C’est assez triste, à croire que plus personne n’est intéressé pour venir taper dans le ballon au village. Il faut dire qu’il ne semble pas que beaucoup d’efforts aient été faits pour entretenir les infrastructures. Les ronces gagnent du terrain sur les buts, les vestiaires sont fermés à triple tour et quand ce ne sont pas les vaches, ce sont les cochons sauvages qui se positionnent en 4-4-2 sur la pelouse.
Si nous avons bien quadrillé la région de la Balagne, il nous reste encore beaucoup de territoire à explorer sur l’Île de Beauté. Continuer à parcourir ces routes uniques, à la recherche de perles rares, pour un accomplir un jour cet objectif de photographier l’ensemble des terrains de Corse.