Tu peux passer l’intersaison à veiller devant la Copa America, regarder l’Algérie revenir sur le toit de l’Afrique puis de nouveau mettre ton réveil pour regarder les grosses écuries européennes ronronner dans le faste de leur tournée asiatique ou nord-américaine, rien ne remplace le retour d’une saison de football. Ce long marathon, parfois ennuyeux, angoissant ou excitant et dont on attend une seule chose, son dénouement. Quand on vit à East London, le choix se fait entre West Ham et son antredu London Stadium à l’ambiance anonyme et Leyton Orient, club à l’image de son quartier, besogneux et fier de son identité.
Après deux ans dans le purgatoire du Non-League football, le niveau semi-professionnel anglais, Leyton Orient revient dans une Football League qu’il avait fréquenté sans interruption pendant 112 ans. Relégué de League Two en 2017 dans le fracas et les larmes, la descente en National League (division 5) fait partie de ces drames salutaires qui permettent de relancer un club. Exit le propriétaire italien Bechetti responsable de la chute du club qui est racheté par ses fans. Quelques mois plus tard, c’est Justin Edinburgh qui prend les rênes de l’équipe et qui lui redonne une identité de jeu. Avec lui, les O’s remportent le titre en National League et vont en finale du FA Trophy la saison passée. La fierté revient à Brisbane Road. Le stade remplit régulièrement ses quelques 8 000 places, la joie est de retour et le football professionnel aussi.
Il semblait écrit, que l’allégresse ne durerait qu’un temps. Cinq semaines après la validation de sa promotion, Leyton perd son manager Justin Edinburgh victime d’un arrêt cardiaque le 3 juin dernier alors qu’il rentrait de la finale de Champions League, où il avait supporté ses Spurs fétiches avec d’autres anciens de la maison. Celui qui avait ramené le rêve et l’espoir est fauché en pleine ascension. « National League champions! », il leur avait fait chanter ça. Comme lors de sa descente deux ans plus tôt, le club et ses supporters ne font qu’un pour être plus fort. Alors quand en ce 3 août, les O’s débutent leur saison, ce n’est pas seulement le retour du foot mais c’est aussi la vie qu’on célèbre. On boit des bières sur la terrasse du Coach and Horses, on s’affaire dans les stands de nourriture puis avant le coup de sifflet final, on regarde les joueurs s’échauffer avec des airs de nonchalance et enfin on se recueille une dernière fois devant une grande banderole à l’effigie du gaffer avec l’inscription « He made us dream again ».
Comme un signe, c’est Josh White, joueur proche d’Edinburgh qui avait accepté de revenir au club après un exil à Bradford, qui marque l’unique but de la rencontre brandissant un maillot floqué au nom de son ami vers la tribune présidentielle. Dans un stade bien garni, le public pousse pour un deuxième but tandis que Cheltenham, l’adversaire du jour, perd ses nerfs avec deux exclusions coup sur coup. Au final, les O’s poussés par le public l’emportent et tout le monde quitte le stade l’âme plus légère et plein d’espoir pour le reste de la saison. Et si les crises et les drames étaient le ciment d’une nouvelle épopée du côté d’East London ? Même parti, l’élan que Justin Edinburgh a donné à ce club continuera de nourrir les rêves de ses supporters.
Texte par Adrien Picard et photos par Jérémie Roturier qui s’est régalé pendant ce match à 10min de chez lui.